Chère lectrice, cher lecteur,
Les récents déboires du Louvre ont mis en lumière une consommation sur laquelle nous ne nous attardons que rarement, à savoir la consommation culturelle.
Elle apparaît d’autant plus importante qu’elle permet de partager un moment, d’instiller un surcroît de convivialité dans un monde de plus en plus égocentrique, et donc froid et impersonnel.
En somme : allez au musée, vous passerez un bon moment et ça chassera vos humeurs sombres !
En plus, vous vous souviendrez longtemps d’avoir partagé un moment avec quelqu’un que vous appréciez. Je ne compte pas le nombre d’amourettes que j’ai vu naître ou se rallumer en passant une après-midi au musée…
C’est un moment de chaleur familiale ou de joie romantique : en somme, un moment enrichissant au meilleur sens du terme. Ce qui donnera tout son prix aux souvenirs que vous en ramenez…
Il serait donc bien dommage de faire la fine bouche, même si les souvenirs en question ne sont pas donnés. Enfin… il y en a quand même pour tous les goûts !
Cependant, il arrive que le musée ne donne pas entièrement satisfaction, et qu’il pose même quelques fois problème…
Le Louvre — une tannée
Le Louvre est un lieu gigantesque qui recèle des trésors insoupçonnés. J’ai toutefois été très étonné lorsque j’ai visité les galeries d’Apollon, récemment cambriolées, qu’elles parussent si mal défendues.
C’est malheureusement à l’image de la France de ces dix dernières années… un pays dirigé avec avidité et négligence, et dont la réalité matérielle fait bien souvent peine à voir.
Cela vous tire les larmes, surtout que bien des œuvres du Louvre mériteraient à elles seules une heure de contemplation. Comme la Victoire de Samothrace, abandonnée au milieu d’un escalier, alors qu’il s’agit d’une des plus glorieuses sculptures de l’histoire humaine.
Il faut croire que notre histoire, elle, s’est arrêtée au bicentenaire de la révolution française et que depuis, si Paris est une fête, ce n’est pas celle du patrimoine…
En plus d’être obsolète en termes de sécurité, le Louvre n’est plus capable de mettre en valeur ses propres œuvres. Aussi, il faut le dire, parce que le public a changé.
Quand Hubert Robert peignit la grande galerie du Louvre en ruines, à une époque où l’on trouvait ce genre de paysage très poétique, il n’imaginait pas vraiment la forme de barbarie nouvelle qui est la nôtre…
Les musées ne sont pas faits pour les foules permanentes
En effet, les visiteurs débarquent par millions pour voir ce qu’on leur dit être incontournable. De ce fait, ils prennent fort peu de plaisir et abîment tout sur leur passage, en plus de créer des conditions de sécurité défavorables à la conservation des œuvres.
Sans compter les authentiques barbares qui détruisent les œuvres sous des prétendus prétextes écologistes. Un pays qui laisse détruire des œuvres d’art parce qu’il est incapable de traiter sa jeunesse psychologiquement malade ne mérite pas de les posséder et devrait en être dépouillé.
Quand on voit les hordes de visiteurs qui rendent compliqué le fait même de se rendre au Louvre pour les citoyens qui le financent, on finit par se dire qu’il faut deux offres culturelles : une pour les philistins et une autre pour les contribuables…
Sans aller jusqu’à la scission en deux musées, c’est ce qu’a fait le musée royal d’Amsterdam depuis sa réouverture en 2013, de façon à simplifier le parcours.
Les œuvres à disposition du public ont été réduites, tout en gardant les pièces maîtresses facilement accessibles. La visite va donc à l’essentiel, elle est rapide, pédagogique, et pour les mordus du siècle d’or, ceux qui veulent l’expérience intégrale, un niveau entier est laissé à leur disposition.
Les expositions trompeuses, pas si rares
En ce moment, le besoin de spiritualité n’a jamais été aussi prégnant. C’est ce qui a fait récemment le succès de l’exposition Georges de la Tour au musée Jacquemart-André, à Paris.
Le musée est en lui-même un ancien palais situé entre l’Avenue des Champs-Élysées et la Gare Saint-Lazare, donc vous prendrez à coup sûr plaisir à le visiter.
Cependant, il n’est pas rare que les expositions en elles-mêmes soient décevantes, et celle de Georges de la Tour, peintre lorrain et l’un des génies du Grand Siècle français (là aussi, le XVIIème siècle), étaient hélas de celles-là.
La presse a été dithyrambique sur cette exposition, nous laissant croire que nous aurions là parmi les plus beaux chefs-d’œuvre du maître. Que nenni ! Lorsque le musée Jacquemart-André vous propose du Memling, vous aurez une miniature. Lorsqu’il vous propose de la Tour, vous n’aurez guère mieux…
Ainsi, on se demande pourquoi monter une telle exposition et faire autant de battage médiatique pour n’avoir que deux chefs d’œuvre du maître, une poignée d’originaux et une ribambelle d’œuvres d’imitateurs, de disciples ayant mal fini les travaux.
Ainsi, l’un des tableaux représente des mains qu’on eut dites atteintes du syndrome de Marfan, l’intelligence artificielle aurait fait aussi bien…
Beaucoup de quantité pour bien peu de qualité
Ils ont même osé nous donner à voir, assez gratuitement d’ailleurs, l’un des clichés de la peintre du Grand Siècle qui était le propre des artistes en manquent de talent et d’imagination.
À savoir la Madeleine rousse en extase tenant (pour justifier de l’érotisme de la scène…) un crâne de façon à faire passer le tout pour une vanité, pour une tension dialectique et complexe entre éros et thanatos, l’amour et la mort…
Hélas, le spectateur, devant jouer des coudes avec la foule confinée dans un espace labyrinthique — manquant d’oxygène et devant plisser les yeux pour bien saisir le clair-obscur — est bien en peine d’apprécier la profondeur des rares œuvres authentiques, de même que la platitude des autres.
Mais que voulez-vous ? Une exposition d’un grand peintre à moins de 20€ par personne — vous en avez eu pour votre argent. C’est-à-dire pas des masses…
Et encore, la France reste un pays d’élégance en termes de merchandising. Allez simplement à Saint-Pierre de Rome, et vous verrez un marché entier dédié à la verroterie… à même la cathédrale !
Ah… les marchands du temple…
Comment rentabiliser votre musée
Désormais, le musée est un loisir assez coûteux. Donc les grandes villes, avec leurs importantes subventions, ont une offre incomparable avec les autres lieux. Cela n’empêche pas qu’hors des villes, vous pouviez retrouver une certaine ambiance.
Je me suis même retrouvé, au beau milieu d’une campagne perdue, dans un musée gratuit qui se trouvait plutôt être un mémorial de fans en hommage à un grand musicien. Le lieu était imprégné d’une magie inoubliable, malgré l’indigence des lieux.
Surtout, dès que vous allez vers les petites villes et les campagnes pour les visites culturelles, il y a plus de chaleur humaine et vous vous sentez privilégié. Les visiteurs ne se bousculent pas, chacun peut se concentrer sur son petit moment à lui.
Autant vous dire que vous n’aurez pas la même qualité de concentration en contemplant les Noces de Cana de Véronèse, qui se trouvent dans la même salle que la Joconde, avec le tohu-bohu incessant qui va avec. Et c’est bien dommage, car tous les tableaux de cette salle sont pour le moins renversants.
Cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’y a pas des musées en ville qui puissent valoir la peine. Toutefois, si les locaux privilégient les visites en semaine, vous feriez mieux de les imiter, faute de quoi l’expérience risque d’être tout à fait superficielle…
3 valeurs sûres
Si par hasard, vous traînez vos guêtres à Paris, vous y trouverez trois valeurs sûres qui sont même visitables sans trop de cohue les week-ends, du moins s’il on n’y a pas organisé une exposition éphémère d’ampleur. Dans ce cas, la réservation en semaine et à l’avance est de mise.
Le musée d’Orsay est une valeur sûre pour tout ce qui est peinture moderne (donc des deux premières révolutions industrielles). Vous y retrouverez toute la poésie des impressionnistes et le mystère des symbolistes, ainsi que quelques surprises appartenant aux petits courants de la Belle époque, et qui valent le détour.
Le musée de Cluny, qui est le musée parisien du moyen-âge est remarquable, surtout depuis sa récente réfection. Chaque pièce ou presque est un concentré d’esprit et relève du chef d’œuvre.
Curieusement, ce musée est plus facile d’accès qu’une autre petite merveille parisienne qu’est le MAD ou musée des arts décoratifs. Autant l’art du moyen-âge reste difficile à comprendre désormais, autant les enfants seront happés par la vaillance et l’énergie de l’époque. Ils ne seront certainement pas les seuls.
Le Musée des Arts Décoratifs, de son côté, manque cruellement de l’appareil critique suffisant, ce qui est tout à fait dommage, car il n’est pas de musée plus instructif sur l’art et la vie depuis la révolution industrielle.
Au moment où je vous écris, une exposition a lieu sur l’Art décoratif, qui n’est rien de moins que l’esprit de l’Entre-deux-guerres auquel on a donné forme par le bois, le métal, le béton et la bakélite. Une grande leçon de style…
Donc, plutôt que de chercher le rapport qualité/prix, je pense qu’il vaut mieux chercher à en avoir plein les mirettes avec une expérience de visite digne de ce nom.
Et vous ? Dites-moi ce que vous en pensez.
Au plaisir de vous lire,
Louis Volta