Chère lectrice, cher lecteur,
Il y a quelques semaines, la revue américaine de médecine préventive a fait paraître une étude fracassante.
Une étude sérieuse, menée dans plusieurs pays américains, diversement consommateurs d’aliments ultra-transformés[1].
Les résultats sont terrifiants : il suffit de consommer un tout petit peu de ces aliments pour que vos risques de mourir prématurément augmentent en flèche.
Mais d’abord, qu’appelle-t-on aliments ultra-transformés ? Et quand les mangeons-nous ?

Identifiez la menace !
Ce que l’on entend par aliment ultra-transformé, ce sont généralement des préparations mangeables telles quelles (ou qu’il suffit de réchauffer). Les plats préparés en sont donc un exemple type.

Dans leur composition on trouve des nitrites et des conservateurs chimiques, le plus souvent en grand nombre.
Nous pourrions parler ici de « recette chimique » : la plupart des ingrédients ne seraient pas consommables individuellement. Mais réunis ensemble, ils forment un repas ou un en-cas.
Les céréales du petit déjeuner en font partie, la plupart des chips industrielles aussi (même s’il existe des chips qui ne contiennent que de l’huile, du sel et des pommes de terre, et qui sont de fait des aliments seulement « transformés »).
Toutes les charcuteries de qualité moyenne ou inférieure en sont aussi, de même que les yaourts aromatisés, les sodas sucrés ou pleins d’édulcorants, le pain industriel, les crèmes glacées, la plupart des saucisses – surtout les « knakis » et les mortadelles bas-de-gamme.

Un exemple parmi tant d’autres : le guacamole
Prenons l’exemple du guacamole. Si vous prenez des avocats, que vous y ajoutez un peu d’épices en sachet (elles se conservent facilement) et un peu de citron, vous avez un aliment sain.
Mais si vous achetez du guacamole déjà préparé en pot, il va falloir – pour conserver sa texture onctueuse et sachant que les liquides ont une forte tendance à tourner – énormément d’adjuvants chimiques de toutes sortes.

Dans le guacamole le plus consommé en supermarché[2], je trouve un peu de tout : beaucoup de gommes, mais aussi un colorant, le bleu brillant FCF, qui est déconseillé aux enfants et apparemment peu recommandable pour les globules blancs – mais au moins n’est-il pas reconnu comme cancérogène[3].
Cependant, tout de suite, deux problèmes me sautent aux yeux.
Le premier est que cet aliment ne contient environ que 70 % d’ingrédients « réels », parmi lesquels des petits pois, des oignons, des tomates en cube (!), un peu de piment et d’ail…
La quantité d’eau étant estimée à 18 %, cela fait 12 % d’ingrédients qui relèvent davantage de produits chimiques proprement dits que d’aliments réels ! On n’est pas sur de l’ingestion fortuite de molécules potentiellement toxiques !
L’autre problème, pour le moins considérable, est que le guacamole, qui est originellement une purée d’avocat, a la réputation d’être un aliment sain, notamment pour sa forte teneur en oméga-3.
Cette molécule, répétons-le, votre corps ne peut pas s’en passer – que ce soit pour réguler votre poids ou pour faire fonctionner votre cerveau correctement.
Sauf que dans la préparation chimique du guacamole industriel, l’avocat ne compte que pour un quart du volume ! (26 %) On aurait bien voulu que la loi oblige le fabriquant à indiquer la proportion d’oméga-3…
Donc vous étiez parti pour acheter un produit « un peu sain et goûteux » en vue de passer une bonne soirée entre amis, et vous vous retrouvez à leur servir des additifs alimentaires à la cuillère !
Les dangers tout à fait réels des aliments ultra-transformés
En prenant ce simple exemple, je voulais vous montrer que nous pouvons consommer des aliments ultra-transformés sans nous en rendre compte, et parfois même avec les meilleures intentions du monde.
Compte tenu des proportions élevées d’agents chimiques dans les produits concernés, les risques pour la santé sont beaucoup plus élevés que nous pourrions l’imaginer.
L’étude que j’ai citée précédemment évalue l’âge de la mort prématurée très en-dessous de l’espérance de vie ordinaire, entre 30 et 69 ans.
Les résultats présentés en conclusion donnent froid dans le dos : par tranche de 10 % de votre apport calorique en produits ultra-transformés, vous augmentez votre risque de mourir prématurément de 3 % – toutes causes confondues.
Cela signifie par exemple que si vous mangez un paquet de gâteaux à la place d’un de vos trois repas, vous augmentez votre risque de mourir avant 70 ans de 10 % environ.
Bien sûr, aux Etats-Unis, plus de la moitié des calories consommées par l’Américain moyen (55 %) proviennent de produits ultra-transformés. Ce taux s’éleverait à 66 % pour les enfants américains. 70 % de la nourriture mise à disposition en supermarché aux Etats-Unis est ultra-transformée[4].
Vous vous dites que cela n’arrivera pas en Europe ? Vous êtes déjà allé dans un Carrefour Market, ou un Franprix de grande métropole ?
Le cancer par ricochet ?
Une autre étude, publiée en février 2024 dans le BMJ[5], la plus prestigieuse revue de médecine au Royaume-Uni, avait déjà montré des résultats affolants. La consommation d’aliments ultra-transformés augmente les risques de maladies graves :
- Obésité : +55 %
- Anxiété : +53 %
- Troubles du sommeil : +41 %
- Diabète de type 2 : +40 %
- Dépression : +20 %
Cette étude, qui faisait la synthèse de presque 10 millions de cas, s’est en particulier concentrée sur les personnes « exposées » aux aliments ultra-transformés, ce qui signifie, selon la terminologie anglo-saxonne, qu’on parle d’une consommation quotidienne.
Ce qui a surpris dans cette étude, c’est que les aliments ultra-transformés n’apparaissaient pas comme une cause directe de cancer, contrairement à ce qui avait été établi dans une étude précédente[6].
Toutefois, dans cette autre étude, américaine également, on avait observé que les 20 % d’hommes qui mangeaient le plus de nourriture ultra-transformée avaient 29 % de risques de cancer colorectal en plus que les 20 % qui en consommaient le moins.
Ce qui fausse ces appréciations, c’est la question du poids : l’obésité, conséquence directe de la consommation de produits ultra-transformés, favorise sensiblement le cancer.
Il n’en demeure pas moins que les personnes de mon entourage ayant été atteintes de cancers colorectaux se nourrissaient presque exclusivement de produits ultra-transformés…
Mais après tout, il ne s’agit que de mon expérience personnelle. N’hésitez pas à ce titre à me faire part de vos témoignages, c’est une question qui suscite chez moi comme chez beaucoup d’entre nous des interrogations profondes.
Échappons-nous réellement à ce fléau ?
Les aliments ultra-transformés représentent un danger pour nous et notre entourage, et ce à trois niveaux.
Le premier est celui des enfants et des adolescents : ils sont sans arrêt soumis aux tentations de la publicité, et poussés à imiter ceux de leurs amis qui ont l’éducation alimentaire la plus faible de ce point de vue.
Il faut vraiment une surveillance constante pour leur éviter les gâteaux, les céréales du petit déjeuner, les chips, la malbouffe, la charcuterie bas-de-gamme.
Le mieux est de leur apprendre à aimer la bonne cuisine, et même de leur apprendre à la faire. Mais cela demande du temps ! Et qu’ils ne cèdent pas à la facilité une fois qu’ils se retrouvent tout seuls…
Le deuxième danger, qui nous concerne plus directement, est l’augmentation du risque de cancer lié à l’âge, ce qui rend la consommation des aliments ultra-transformés plus dangereuse avec le temps.
Enfin, le troisième danger se retrouve dans la cuisine que l’on fait ou que l’on mange hors de chez nous. Combien de nos sauces toutes préparées, de nos condiments ou des ingrédients que nous utilisons, sont-ils vraiment naturels ?
D’autant que lorsque nous sortons manger hors de chez nous, rares sont les restaurants où la nourriture est « faite maison ». Il s’agit le plus souvent d’assemblages de produits… ultra-transformés !

Raison pour laquelle la quantité des aliments a finalement moins d’incidence sur la santé que leur qualité…
Portez-vous bien, et gardez l’œil ouvert !
Louis Volta