Chère lectrice, cher lecteur,
J’ai été fort étonné, peu avant de prendre la plume, alors que je gambadais dans la rue, de tomber sur cette campagne d’affichage quelque peu… hétérodoxe.
Même s’il est assez fréquent que la publicité insulte mon intelligence – elle est en quelque sorte faite pour cela – jamais je n’avais encore été insulté directement, franchement, et aussi violemment.
Même pour la cause la plus sacrée qui soit, il me semble particulièrement malvenu d’utiliser de tels procédés. Déjà qu’une injonction me paraît contreproductive par principe, une injonction doublée d’une insulte me paraît insupportable.
Vous n’êtes pas sans le savoir : nous avons changé d’époque. Avant cette décennie encore, il était entendu que la vertu s’incarnait. On pensait qu’il fallait s’en montrer digne dès lors qu’on avait l’honneur de la représenter.
Par exemple, quand on voulait quémander pour une cause aussi importante que la recherche contre le cancer, on le faisait avec componction, et ce même et surtout lorsqu’on était bardé de diplôme, et que l’on pouvait s’enorgueillir d’avoir déjà sauvé tant de vies…
Savoir, pouvoir, vertu : tout est du côté de l’argent
Désormais, la vertu s’affiche, elle se « signale » aux autres comme le disent les Anglo-Saxons.
Procédés répugnants, bien représentatifs de la part la plus aisée de la société qui a fait sécession, et dont les publicitaires se réclament aussi aisément que la jeunesse.
Lorsque la vertu est imposée avec tant de violence, nous ne sommes pas sans penser qu’il y a quelque chose de louche. La vraie vertu parle par ses résultats, alors que ceux qui en font montre à tout prix lui font en fait honte.
Comme ces gens qui n’ont que le « bilan carbone » à la bouche alors qu’ils portent des chaussures fabriquées par des esclaves à l’autre bout du monde…
Que le peuple fût bête à manger du foin pour les signaleurs de vertu, c’était chose évidente. Mais qu’il devint normal de l’insulter… on a passé un cap.
Il n’y a pas de bienveillance là-dedans, bien au contraire. Il n’y a qu’une volonté d’humilier.
Un tel soufflet appelle une réponse. Si l’on vous insulte, c’est qu’on ne veut pas tant votre bien que cela. On ne le veut peut-être pas du tout.
Ne tombez jamais entre leurs mains…
Les cancers étant monnaie courante dans notre société de plus en plus toxique, il n’est pas inutile d’aller faire une petite coloscopie de temps en temps, et même un bilan complet.
Mais ça, c’est à votre médecin de vous le prescrire – c’est notamment à ça qu’il devrait servir, votre médecin, si du moins vous avez encore confiance en lui…
Ce qui inquiète un peu plus, c’est cet acharnement à faire des batteries d’examen qui s’est répandu dans notre société. Acharnement anxiogène, donc pathogène.
Une telle campagne ne fait pas baisser la pression, cela va de soi. Mais c’est aussi un peu le but, non ?
Entendez bien : plus on vous examine et plus on peut vous trouver de petits problèmes. Petits problèmes qui pourraient devenir gros – les médecins doivent se dédouaner de toute responsabilité, non ?
C’est oublier que le corps guérit tout seul beaucoup de maladies. À chaque jour, à chaque heure même qui passe, des cellules cancéreuses émergent en vous, et bonne nouvelle, vous les détruisez.
Mais si vous vous faites tester sans arrêt, la médecine se fait un devoir de vous soigner.
Et comment vous soigne-t-elle ? Avec la violence la plus extrême, les méthodes les plus invasives, et comme il se doit, un blanc-seing de la sécurité sociale.
Un immense carnage
Prenons l’ablation de la prostate. Un article du Journal du Dimanche de 2016 tirait déjà la sonnette d’alarme[1]. Il faut dire que l’ablation est remboursée intégralement par la sécurité sociale, contrairement à des méthodes plus douces.
Et madame, monsieur, comprenez bien qu’il s’agit d’une industrie d’abattage si importante qu’elle bénéficie de l’assistance d’un robot – il faut le rentabiliser !
N’oubliez pas non plus la concurrence que se livraient les différents services d’urologie, à qui ferait le plus d’ablations… si l’article du JDD le mentionne, c’est que même les médecins sont choqués. Et pour choquer un médecin, il ne faut pas y aller avec le dos de la cuillère.
Sur 100 000 ablations en 20 ans – qui auraient pour beaucoup pu être évitées avec d’autres traitement ou même avec une alimentation adéquate – 6000 avaient été reconnues comme abusives par les médecins eux-mêmes. On peut donc penser que les chiffres réels sont beaucoup plus élevés.
La raison pour laquelle les médecins reconnaissent qu’il y a des abus, c’est qu’ils ont peur de se voir préconiser ce genre de traitements. Ce qu’ils m’ont révélé eux-mêmes à l’époque.
Des complications irréversibles ? Parlons-en
La prostate, ce n’est pas l’appendice. Elle ne sert pas à rien : d’elle dépend directement votre faculté à vous retenir d’uriner, ou votre capacité d’érection. De fait, après que l’on a trouvé quelque chose d’un peu curieux, il n’est pas rare que le médecin vous préconise une opération sur le champ.

Il y a des risques élevés qu’elle vous rende impuissant, incontinent ou les deux.
Le JDD citait le témoignage d’un homme (comme il en existe des milliers en France, et des millions dans le monde), dont la vie a été ruinée : incontinent et impuissant, il a perdu son travail et sa femme.
Et il y a 10 ans, il était même d’usage qu’en cas de tumeur bénigne, on vous enlève quand même la prostate… il suffisait que le test PSA soit un peu alarmant.
Une étude américaine a calculé que la chirurgie, même pour traiter un cancer de la prostate au stade précoce, s’avérait le plus souvent inutile, car le même pourcentage de patients que ceux qui ne l’avaient pas mouraient d’une autre cause sur un suivi de 20 ans[2].
Mais cette étude a également montré que les dommages irréversibles n’avaient rien d’extraordinaire : 15 % des patients souffraient d’incontinence, 17 % d’impuissance et 12 % d’autres complications.
Car les médecins se gardent bien de trop laisser filtrer des chiffres qui permettraient d’obtenir des statistiques. En Occident, la médecine reste un business – il faut alimenter la recherche, comprenez bien… Entendez : un cobaye est un patient utile. Les autres patients… le sont moins.
10000 femmes brisées par an ?
Cette vaste boucherie qu’est la prostatectomie de masse n’a donc de pendant que la mastectomie de masse, à savoir l’ablation du sein.

Il faut chercher en Asie pour trouver un peu de recul critique sur cette pratique d’une extrême violence – comme la prostatectomie, la mastectomie détruit facilement la sexualité du couple, en plus d’entamer sérieusement la confiance en soi des femmes qui y sont confrontées.
Sur le sujet, les Coréens ont fait une étude[3] et ils se sont rendu compte qu’avec les techniques d’aujourd’hui, près de la moitié des mastectomies sont devenues inutiles (47,7 %).
On parle de 20000 mastectomies par an en France… selon cette même Ligue contre le cancer qui se permet de nous insulter dans la rue avec de grandes affiches[4].
Mais pourquoi est-on arrivé à un tel massacre ? L’étude coréenne nous le dit très précisément : à cause de l’IRM (imagerie à résonnance magnétique) qui fait partie, en France, du protocole classique… et qui a tendance à créer beaucoup d’alarmes pour pas grand-chose.
L’énorme business du dépistage
Des chiffres aussi énormes, des conséquences aussi atroces nous interrogent nécessairement sur l’industrie de la prévention médicale.

Car il n’est pas simple de faire preuve, en tant que patient, de la parcimonie nécessaire. Surtout quand les examens sont remboursés par la sécurité sociale (en plus des soins). Ou quand on a suffisamment d’argent (ou assez de problèmes de santé) pour développer une angoisse à ce propos.
Car l’anxiété est pathogène, et l’étendre à la société entière permet d’alimenter l’industrie du soin et de la chirurgie (au vu des chiffres, difficile de qualifier ce secteur d’activité autrement).
Plus encore, elle permet de facturer des batteries d’examens hors de prix. Nul doute qu’après tant de tests, on vous trouve quand même quelque chose. Il serait dommage que médecins et patients aient perdu leur temps…
Dans le domaine privé, l’entreprise française Zoï propose 37 examens et 200 marqueurs différents, pour la coquette somme de 3600 €. Ce n’est presque rien en comparaison de la clinique suisse Nescens, qui propose un check-up « Excellence » à presque 15 000 €…
Sauf qu’il n’a jamais été prouvé que ces dépistages sauvaient réellement plus de vies que le fait de vous rendre chez le médecin parce que vous avez un problème qui ne se résout pas.
Quand les patients réclameront l’IA
Les opérations invasives et parfois barbares, elles, sont bel et bien réelles. Notre société joue donc sur l’anxiété pour alimenter un business médical particulièrement trouble. Business dont l’ambiguïté a dégoûté une part importante de la société.

L’insulte ne renouera pas la confiance perdue entre le grand-public et le corps médical. Mais il faut bien se rappeler que la publicité n’est plus faite pour le grand-public.
Elle est faite pour les déclassés et les jeunes, afin de conditionner ces derniers à vivre en « sous-prolétaires », comme on disait naguère. Il faut leur faire croire que c’est normal de ne pas gagner assez pour fonder une famille… et aussi normal de se faire insulter si c’est pour la bonne cause, puisque ce sont des gueux.
Le mépris de classe : voilà ce que l’on nous jette au visage avec une campagne de publicité aussi insultante. Cette attitude est tout à fait dans la continuité de celle de la majeure partie de la profession médicale durant la crise sanitaire.
Pourtant, en laissant faire cela, les médecins scient la branche sur laquelle ils sont assis : à se couper du reste de la population, ils préparent leur propre remplacement par des machines dotées d’intelligence artificielle. On en a un peu assez des « faux positifs » qui terminent systématiquement « sur le billard ».
Prenez soin de vous, entourez-vous de spécialistes de confiance, et surtout, n’hésitez pas à en consulter plusieurs.
Si vous voulez me donner votre opinion sur les dépistages, je vous invite à le faire en commentaire.
Louis Volta
[1] https://www.lejdd.fr/Societe/Le-business-de-la-prostate-827716-3148388#:~:text=Chez%20les%20urologues%2C%20les%20séismes,%22Ce%20phénomène%20est%20connu. – Anne-Laurent Barret, « Le business de la prostate », in. Le JDD, 27 novembre 2016 [2] https://medicine.washu.edu/news/surgery-early-prostate-cancer-may-not-save-lives/ – Kristine Sauerwein, « Sugerly for early prostate cancer may not save lies », in. WashU Medicine, 12 juillet 2017 [3] Han Y, Jung JG, Kim JI, Lim C, Kim HK, Lee HB, Moon HG, Han W. « The percentage of unnecessary mastectomy due to false size prediction using preoperative ultrasonography and MRI in breast cancer patients who underwent neoadjuvant chemotherapy: a prospective cohort study », in. Int J Surg. 2023 Dec [4] https://www.ligue-cancer.net/articles/4eme-rapport-de-lobservatoire-societal-des-cancers#:~:text=Chaque%20année%2C%20en%20France%20%3A,le%20sein%20après%20une%20mastectomie. – « 4e rapport de l’Observatoire sociétal des cancers », site de la Ligue contre le cancer