Avec la chirurgie esthétique, il y a forcément de la casse

Chère lectrice, cher lecteur,

Il y a quelques jours, je me promenais avec mon ami Mikaël, que je n’avais pas vu depuis quelques mois. Et là, je me dis qu’il a plus de cheveux qu’avant. J’ai bien compris par quel miracle !

Je lui demande avec quelques précautions s’il est prêt à en parler avec moi, et il me dit : « Allons, Louis, on se connaît depuis vingt ans, il n’y a aucun problème…

• Mais tu sais, lui dis-je, que mon ex, dès que nous nous sommes quittés, s’est fait implanter des faux seins. Ça m’a un peu choqué.
• Si elle se sent mieux avec… Moi, me dit-il, je préfère pas de seins du tout que des faux… Mais les femmes, elles, ne te regardent pas pareil quand tu as des cheveux ou pas.
• Ah bon ?
• Ça fait même toute une différence. Et le regard des hommes est tout aussi critique… C’est pour ça que tant de femmes se font botoxer, par exemple.
• Certainement… Tu sais que moi et la séduction, ça fait deux… En tout cas, c’est vrai que ça te va bien. Je ne te connaîtrais pas, je n’aurais même pas remarqué pour tes cheveux !
• Parce que ce sont mes propres cheveux qu’on a greffé à un autre endroit. Et puis, si ça avait été mes dents qui étaient tombées, tu imagines le regard des autres ? Eh bien aujourd’hui, ça coûte encore moins cher de se faire greffer des cheveux que de se faire planter des fausses dents dans la bouche. Alors pourquoi s’en priver ? »

Cette conversation avec Mikaël m’a laissé pantois. Les années Covid ont diffusé dans la société une soif un peu déraisonnable de temps à rattraper. Et les quadragénaires que je connais ne tiennent pas à le laisser filer à si bon compte.

Tandis que je révisais le jugement un peu dur que j’avais tenu, jadis, sur mon ancienne compagne, je commençais à m’intéresser à tout ça. Il est vrai qu’autour de moi, de plus en plus de gens prenaient par-ci par-là des petits coups de bistouri…

Une nécessité ? Chacun sa peau après tout…

Il y a encore une dizaine d’années, la chirurgie esthétique était plus généralement le fait des plus de 50 ans. Elle s’est depuis beaucoup démocratisée.

Les exemples pullulent autour de moi désormais. Quand on a un nez trop proéminent, les cheveux qui tombent, des seins tout plats et qu’on veut se trouver quelqu’un, on est prêt à faire quelques concessions financières.

Après tout, nous n’hésitons pas à passer sur le billard si nous avons un furoncle qui pousse, une dent qui tombe, des crises hémorroïdaires chroniques ou un oignon au pied…

Cette question a été soulevée dans un film plein d’autodérision, appelé Rock’n roll, avec Guillaume Canet et Marion Cotillard, qui pose assez tendrement la question de la limite que les vedettes de cinéma doivent trouver, entre chirurgie esthétique et perte d’aura due à l’âge.

Il montrait qu’il y avait une nette différence de culture entre la chirurgie esthétique « à la française », qui veillait à passer pour la plus invisible possible, et une tradition plus « américaine » qui poussait la recherche de la jeunesse à tout prix, quitte à déformer complètement les visages et les corps…

Mais outre cela, il y a aujourd’hui une dérive de la chirurgie esthétique qui touche des femmes de plus en plus jeunes, avec des fraudes parfois mortelles.

Une influence puissante des réseaux sociaux

En 2022, un documentaire de la chaîne Arte avait déjà alerté sur le lien entre les réseaux sociaux et la chirurgie esthétique, en particulier sous l’influence du développement d’Instagram, une application presque uniquement visuelle, où chacun présente sa vie telle qu’il la rêve[1].

Ce constat s’appuyait sur une réalité qui est aujourd’hui économique.

Ainsi, dans une importante clinique parisienne, en 2011, seulement 10 % des patients en chirurgie esthétique avaient moins de 35 ans. En 2019, plus de 50 % de ces mêmes patients avaient entre 18 et 35 ans[2].

Toutefois, même si les réseaux sociaux (et les applications de rencontre) sont à mettre en cause, il ne faut pas oublier les tristes résultats psychologiques des années de confinement.

À ce titre, RTL a préféré parler de « boom américain de la chirurgie esthétique dû au télétravail[3] ». Et en effet, là-bas, en 2020, le recollement des oreilles a été multiplié par 10 et le nombre de liftings a augmenté de 188 %…

Il est vrai qu’il est désormais impératif de soigner son image, surtout sur des applications de rencontre où la concurrence est si rude que la plupart des hommes ont préféré renoncer.

Nous vivons dans une société de moins en moins tangible, où la séduction se fait à travers un écran, et où les sorties coûtent cher.

Tout passe par l’écran du téléphone portable… qui ressemble de plus en plus au miroir de la marâtre dans Blanche-Neige.

Des dérives parfois tragiques

Dans le documentaire Instagram, la foire aux vanités, nous pouvions voir que des jeunes femmes se retrouvaient si complexées par leur allure et si désireuses d’améliorer leur apparence, qu’elles en arrivaient à confier leur corps à des charlatans.

C’est notamment le cas de l’une d’elles qui, opérée pour un prix dérisoire, sans l’hygiène suffisante, a fini par succomber à une septicémie.

À l’époque, d’après le documentaire, la loi était assez souple sur la pratique de la chirurgie esthétique en Floride, là où le drame s’est produit. Il semble qu’elle se soit beaucoup durcie depuis lors.

Mais cela n’empêche pas que des chirurgies esthétiques soient encore pratiquées en Floride sans trop regarder à l’hygiène ou au passé médical des patientes…

Après deux morts[4] en 2016 et en 2017, il y a eu un autre décès, celui d’une jeune mère de 28 ans, dans une « maison de convalescence », au mois d’avril dernier.

Il semble que la clinique, peu soucieuse du bien-être de la patiente, ait délégué les soins post-opératoires à ce nouveau type d’organisme vraisemblablement douteux, dont les Floridiens exigent désormais la fermeture[5].

Ce sont à chaque fois les mêmes opérations qui se révèlent mortelles : un Brazilian Butt Lift, ou lifting brésilien, c’est-à-dire un remodelage consistant à retirer la graisse et à la replacer ailleurs dans le fessier.

Il y a cinq ans, une influenceuse appelée la « Kim Kardashian mexicaine » (du nom de cette vedette au derrière fortement proéminent) et qui comptait 13 millions de suiveurs sur Instagram, est décédée du même type d’opération[6].

Mais cela va sans dire : le danger n’est pas que vous ou moi perdions la tête et prenions sur le champ un billet pour la Floride.

Le vrai danger consiste dans le fait que les jeunes puissent, en cédant à des modes ou à des complexes qu’on se fait entre « amis », vouloir à tout prix accéder à de la chirurgie esthétique risquée et pour le moins farfelue.

La mauvaise chirurgie esthétique a traversé l’Atlantique

Heureusement, il y a (encore) peu de risques que votre fille ou votre petite-fille veuille pour son anniversaire se faire charcuter afin d’avoir des oreilles pointues comme celles des Elfes des livres de Tolkien.

Mais, croyez-le ou non, ça a réellement été un phénomène de mode en Chine…[7]

Cependant, quand on sait que l’Allemagne est la championne du monde du nombre d’agrandissements du pénis[8], ou qu’il est possible de se faire grossir les seins pour seulement 24 heures[9], il y a de quoi se poser des questions !

Malheureusement, le risque le plus élevé est plutôt celui de se faire administrer une mauvaise injection de Botox ou d’acide hyaluronique par une fausse infirmière dans une chambre d’hôtel peu hygiénique…

Au point que l’autorité française du médicament a fini par s’en inquiéter tant le phénomène de mode a pris de l’ampleur.

Pour preuve, vous trouverez le témoignage de cette femme qui a failli avoir le nez nécrosé à cause d’une piqûre faite à la va-vite[10].

En effet, si la piqûre touche une artère, cela peut faire un caillot de sang et bloquer la circulation au point que la gangrène pointe le bout de son nez.

C’est quand même bête de devoir se faire amputer du nez ou de mourir d’une septicémie pour une piqûre au rabais…

Car si les praticiens ne sont pas accrédités, les produits ne sont pas sûrs non plus. On peut pratiquer sur votre corps une injection avec n’importe quoi ! Rien ne vous dit que c’est vraiment du botox ou de l’acide hyaluronique dans la seringue.

Les jeunes ne sont pas assez protégés

Aussi, s’il faut davantage s’inquiéter avec les jeunes hommes des questions de drogue, il ne faut pas prendre la chose à la légère lorsqu’une jeune fille devient obsédée, à force de passer son temps devant l’écran, à l’idée de corriger un défaut qu’elle seule se trouve, et qui a fini par lui être insupportable.

Et si jamais vous recourez à la chirurgie esthétique, laissez-moi vous donner un conseil : ne lésinez jamais sur le prix, et prenez toujours un praticien qui peut répondre légalement de la prestation qu’il vous propose.

Et faites-le si possible dans le pays où vous résidez, dont vous maîtrisez la langue, et dont le code des lois suit une logique que vous comprenez à peu près…

N’hésitez pas à me faire part de vos expériences ! Elles me sont vraiment précieuses. Leur valeur est souvent très supérieure à celle de la plupart des articles de journaux, écrits en vitesse.

Au plaisir de vous lire,

Louis Volta