Chère lectrice, cher lecteur,
Est-ce que vous voulez vivre pour l’éternité ?
La première fois que cette question avait été posée, c’était par Frédéric le Grand à la bataille de Kolin. C’était donc au XVIIIe siècle.
Après tout, les soldats passent à la postérité en quittant ce corps-là : c’est ça l’héroïsme. Vivre toujours, ce n’est plus vivre maintenant…
L’héroïsme semble être passé de mode puisqu’il semble bien que l’on veuille aujourd’hui vivre toujours dans ce corps-là. Du moins on cherche à vous prendre des sous pour vous en donner l’illusion…
On ne compte plus les crèmes ni les compléments alimentaires. Et pourtant, personne à 80 ans n’a l’air d’en faire 50. Alors à quoi sert tout ça ?
Gagner quelques années, mais dans quel état ?
Il est vrai que le business de l’anti-âge, c’est moins le rêve de vivre toujours que celui de gagner quelques années sur la Camarde.
Mais au fond, le rêve est celui-ci : rester séduisant quoiqu’il arrive, arriver à profiter de la vie, de ce qu’il y a de sensuel dans les rapports humains, ce qui fait le charme de l’existence…
Et de ce point de vue-là, il y a lieu d’être surpris : de nos jours, à 70 ans, on a la tête qu’on avait à 60 ans il y a une trentaine d’années.
Nombreux sont aujourd’hui les visuels qui tournent sur internet où l’on voit des hommes de 30 ans dans les années 1950, qui auraient donné l’impression de faire 40 ans ou plus aujourd’hui…
Certains expliquent cela par… un manque d’hydratation. C’est absurde, non ? On pourrait tout aussi bien expliquer ça par la multiplication des agents conservateurs dans l’alimentation ! Après tout, c’est la raison pour laquelle nos dépouilles mortuaires ne se désagrègent plus dans la nature…
D’autres experts autoproclamés – comme Internet en regorge – expliquent cela par un meilleur sommeil, le fait de n’avoir plus aussi froid que par le passé…
Pourtant, nous sommes soumis à plus de facteurs de maladies chroniques qu’aucune autre génération par le passé, notre nourriture manque de vitamines et de minéraux… nous subissons infiniment plus de toxiques et nous sommes écrasés par les ondes électro-magnétiques.
Alors, où est le mystère ?
De moindres apports caloriques
Ce qui échappe à la plupart des « observateurs », c’est la baisse des apports et des dépenses caloriques. Au début du XXe siècle, que l’on soit femme ou homme, on consommait deux fois plus de calories… parce qu’on faisait deux fois plus d’efforts physiques !
Nous vivons dans une civilisation incomparablement moins éprouvante qu’elle pouvait l’être au début du siècle dernier, et cela change beaucoup notre rapport au temps, ainsi que notre espérance de vie.
Cela se voit encore aujourd’hui avec l’espérance de vie des ouvriers, qui demeure notablement plus basse que celle du reste de la population. L’espérance de vie en bonne santé d’un ouvrier est de 59 ans contre 69 ans pour un cadre.
Et la vie des ouvriers d’aujourd’hui, même si elle reste rude, n’est celle des ouvriers de 1900…
Mais il faut aussi noter que l’on sait mieux prendre soin de soi que par le passé, et que ce soin est maintenant aussi le fait des hommes.
L’invincible désir de séduction
Il existe plusieurs formes de lutte contre le vieillissement. Contre le vieillissement de l’esprit, on peut voir que les jeux permettent de conserver un esprit vif, et qu’il existe donc désormais des moyens beaucoup plus ludiques que le bridge et les mots croisés pour garder son cerveau « fonctionnel ».
Ce qui est plus triste, c’est la solitude, qui s’est beaucoup accrue et qui, donnant lieu à des dépressions souvent intenses, peut rendre le grand âge impossible. Alors que par le passé, la vie communautaire, villageoise ou citadine, offrait plus de convivialité…
Mais deux autres formes de lutte contre le vieillissement jouent tout autant, et représentent des secteurs d’activité beaucoup plus important.
D’abord, il y a le domaine de la séduction, de la lutte contre l’âge qui se voit. Il s’agit d’un eldorado pour les laboratoires qui offrent des solutions que les consommateurs reconnaissent eux-mêmes comme étant marginales.
Mais que voulez-vous, paraître moins vieux que son âge, passé 35 ans, ça remonte le moral !
Et il n’y a pas que la question du vieillissement extérieur, celle du vieillissement intérieur joue aussi beaucoup…
La domestication du vieillissement rentre dans les mœurs
La dernière forme de lutte contre le vieillissement, qui représente une petite révolution du mode de vie depuis la fin du siècle dernier, est celle de la nutrition.
Se complémenter est une habitude qui s’est réellement démocratisée, même si elle était loin d’être inhabituelle par le passé, et ce dès avant la Seconde Guerre Mondiale.
Les progrès en termes de médecine nutritionnelle ont fait des bonds considérables depuis 50 ans, et il y a bien des produits, inconnus hier, et qui pourraient faire encore gagner une espérance de vie considérable.
Qui savait il y a encore 10 ans que le glutathion est le premier antioxydant du corps humain, et qu’il faut du N-acétyle-cystéine pour que le corps se mette à le fabriquer ?
Qui connaissait alors le rôle crucial que le NADH joue dans le cycle de Krebs, dont dépendent la plupart de nos fonctions vitales ?
Qui savait alors combien la coenzyme Q10 (CoQ10) est nécessaire pour maintenir de bonnes fonctions cardiovasculaires, de même que… la vitamine C ?
Ces connaissances demeuraient pour le moins confidentielles… et désormais, ce sont des années de vies en plus qui sont peut-être à gagner pour chacun de nous, juste grâce à une meilleure connaissance du corps humain.
Va-t-on vers la vie éternelle ?
Une longue vie implique de la sagesse pour être vécue sans trop souffrir, pour être digne d’être vécue.
Hélas nous voyons, avec la jeunesse qui a grandi durant la crise sanitaire, combien la vie peut être difficile à vivre, alors même qu’elle est encore pleine de promesses…
A quoi sert alors de vivre des décennies en plus si chaque jour est une épreuve ?
La question se posera à l’avenir avec de plus en plus d’acuité : il a déjà été possible de régénérer le nerf optique d’une souris en 2020. Il sera possible, d’ici une décennie ou deux, de reproduire nos propres organes grâce à nos cellules souches, de façon à remplacer l’un d’eux lorsqu’il ne sera plus fonctionnel.
Et à quel âge arriverons-nous si nous parvenons à faire reproduire nos propres cellules souches pour avoir toujours le matériel de notre propre pérennité physique ? La mort n’existera plus que sous la forme du suicide, mais c’est la vie même qui paraîtra alors, peut-être, une prison.
A se demander si la seule vraie grande sagesse ne consiste pas à savoir apprécier le passage du temps… et à accepter le temps qui sur terre nous a été imparti pour le partager avec ceux que nous aimons.
Louis Volta